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MIPS FM | 18h49 | Le lendemain de la mise en examen de Patrick de Carolis dans l'affaire Bygmalion, de la racine jusqu'aux ailes

Retrouvez chaque semaine une tentative d'éclairage de l'actualité proposée par un grand-frère attentionné à une petite sœur débordante de curiosité.

Thème de la semaine : les raisons qui poussent Londres à renforcer sa barrière non tarifaire vis-à-vis des citoyens européens venus chercher un emploi - ou autre - sur le territoire britannique.

 

"Frérot, pourquoi les britanniques sont-ils si pressés de renforcer leur lutte contre les étrangers ?"

La raison est simple : les élections européennes, une échéance intervenant tous les cinq ans, sont prévues pour le mois de mai 2014. Autrement dit, la couleur politique du Parlement européen, qui est majoritairement libérale peut radicalement virer de teinte d'ici à deux mois. Le Royaume-Uni souhaite anticiper ce rendez-vous afin d'éviter tout écueil et se protéger d'éventuels nouveaux dispositifs de libéralisation et d'unification des droits du citoyen à l'échelle européenne.

La question de l'immigration se présente en pole position des symptômes à traiter de toute urgence. Confrontée à plusieurs vagues annuelles d'immigration massive, le Royaume-Uni s'est mis en tête de restreindre l'accès aux allocations sociales pour tout immigré européen présent sur ses terres. Pour mieux comprendre ce dispositif, je vais te présenter plusieurs mesures mises en place par le gouvernement de David Cameron, premier ministre du Royaume. N'hésite pas à m'interrompre pour toutes questions !

 

"Frérot, j'ai déjà une question ! Qu'entendent les britanniques par le concept de "tourisme aux allocations" ? C'est vague."

C'est béton pour une première interrogation ! Pour tenter de répondre avec précision à ta question, permets-moi de revenir aux fondamentaux.

Le principe de libre-circulation des biens et des personnes a été introduit par l'application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, appelé aussi Traité de Rome. Signé à Rome le 25 mars 1957 par six pays (le club des Six avec la France, le Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et l'Italie), ce traité est considéré comme l'acte fondateur de l'UE.

Près de soixante plus tard, Konrad Adenauer et ses amis signataires ont de quoi se retourner dans leurs tombes à l'écoute des déclarations de leurs rejetons européens. Le moment critique s'est donc joué l'été dernier.

Agacés par le flux incessant de citoyens, venus en "soi-disant quête d'emploi" de pays européens avec un plus faible niveau de vie, les ministres de l'Intérieur de quatre Etats membres de l'Union européenne (à savoir l'Allemagne et les Pays-Bas, appartenant au club des Six, l'Autriche et le Royaume-Uni) ont tenu à mettre en musique leur lecture du traité fondateur. En clair, ils dénoncent l'arrivée massive de citoyens européens souhaitant profiter des aides sans contrepartie (travail, impôts). Une simple lettre ouverte commune sera adressée à la présidence - tournante - du Conseil européen pour remettre en cause la notion de liberté de mouvement. Pas de chance pour Alan Shatter, ça tombait sur son pays : l'Irlande. Agiter le trèfle porte-bonheur aurait été un gâchis de la nature que les écologistes européens n'auraient pas laissé passer. Les Quatre fantastiques se sont jetés sans scrupules sur l'article 21 pour étayer leur propos. Ce dernier stipule que "des limitations peuvent être apportées" au principe de libre-circulation.

En définitive, les Quatre frondeurs insistaient sur "l'alourdissement du fardeau des sociétés d'accueil par des coûts additionnels considérables".

 

"Et ça veut dire quoi ?"

Selon les ministres de l'Intérieur de ces quatre pays, leur système d'Etat-Providence n'est pas en mesure de supporter les besoins d'individus, certes européens mais vierges d'une détention d'un passeport du pays d'accueil. En clair, les Quatre fantastiques partent en croisade contre la fraude sociale organisée. Les anglais appellent ce phénomène benefits tourism ou "tourisme d'allocations" en français.

Pour ta gouverne, sache que le ministère du Travail britannique a estimé à 0,7% la part de la triche aux allocations dans le budget total du "welfare state" (Etat Providence), soit 1,2 milliard de livres sur la période 2012-2013. De plus, 7% des bénéficiaires d'allocations ne sont pas en possession de la nationalité britannique. L'institution est dans l'incapacité de révéler le montant en livres sterling de ces dépenses supplémentaires. Voilà un contretemps qui t'arrange étant donné que tu n'es point friande de chiffres !

 

"Frérot, quels sont les mesures mises en place par la Grande-Bretagne pour réduire ce fléau ?"

Sache que le torchon brûle depuis une bonne dizaine d'années. En autorisant l'adhésion de dix pays en 2004, l'Union européenne a, malgré elle, créé un véritable appel d'air à des populations jusqu'ici démunies d'aides sociales de qualité (et de quantité) et tentées par la triche aux allocations. Et le mal est profond aux yeux des britanniques. Les partis populistes, à commencer par Ukip* ne se sont pas fait prier pour forcer le trait et évoquer un pillage des instruments d'aides sociales par des non-ressortissants britanniques.

Pressé par l'approche d'élections européennes de plus en plus propices à un succès des partis politiques les plus radicaux, le gouvernement Cameron a mis en place une série de mesures pour tenter de ralentir l'immigration dite intra-européenne.

Première mesure : la fin des allocations logement pour les nouveaux migrants

Le 1er avril 2014 a sonné la "fin de la récré" pour les migrants de Grande-Bretagne. Les nouveaux réfugiés "en quête d'un travail" ne peuvent plus réclamer l'obtention d'allocations logement. En clair, seuls les ressortissants européens présents sur le territoire avant le 31 mars 2014 conservent le loisir de demander cette aide publique. Une première façon de contenir les abus. 

Deuxième mesure : gagner plus pour toucher plus 

Depuis le 1er mars 2014, les migrants doivent gagner plus de 150 livres par semaine pour obtenir le statut tant convoité de "travailleur". Il octroie une extension de droits à tout migrant respectant la condition suscitée. Allocations familiales, de logement ou même d'invalidité, ce fourre-tout social représente le totem de cette réforme. 

Troisième mesure : trois mois et un chômage plus tard 

Le 1er janvier 2014 a entériné le délai minimum à respecter pour obtenir des allocations chômage. Les premiers bénéficiaires ont dû patienter jusqu'au 1er avril - la date d'arrivée des migrants dépourvus d'allocations logement (c'est pour voir si tu suis !) - pour être éligible à cette aide, soit trois mois de délai. 

Pour rendre cette dernière étape aussi facile qu'une ascension du Mont Galibier, les organisateurs ont agrémenté la réforme de quelques petites difficultés à l'athlète étranger. La première réside en des tests de connaissance de l'anglais - durcis pour l'occasion - après les trois mois de carence. En cas de réussite, le migrant se verra octroyer six mois de chômage, indexé sur le revenu. Pas un mois de plus. Enfin, la ligne d'arrivée ne pourra être franchie qu'en cas de présentation d'une preuve "authentique d'une chance de trouver un emploi" pour toucher ces dites allocations. 

Quatrième mesure : prière de balayer les charognards devant votre porte 

Toujours depuis le 1er janvier, les Douanes sont habiletés à refuser toute entrée d'un immigrant reconduit précédemment à la frontière de la Grande-Bretagne. La cause est simple : l'individu avait été reconduit soit pour un motif de mendicité, soit pour une absence de moyens pour subvenir à ses besoins. Ce délai de refus s'étale sur douze mois.

Le clou du spectacle : deux ans de gel de "welfare" aux migrants 

La proposition émane du ministre du Travail en personne. Iain Duncan Smith souhaiterait (car ce projet n'est qu'un souhait... pour le moment) interdire le système d'Etat-Providence à tout migrant pendant deux ans. 

 

"Et l'Europe dans tout ça ? "

Elle veille au grain sœurette ! La Commission européenne s'est esclaffée contre le test d'anglais corsé. Néanmoins, aucune plainte n'a été déposée pour le moment auprès des britanniques. Les trois autres mesures pourraient également être retoquées au regard des textes en vigueur au sein de l'Union européenne. 

 

Le mot de la fin pour Konrad Adenauer : "L'histoire est le total des choses qui auraient pu être évitées." Quand l'un des papas de l'Europe parle, on opine du chef. 

God save Europe !

 

Merci Frérot ! 

Tout le plaisir était pour moi.

 

*Ukip, le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni est un parti populiste britannique. Elle s'est lancée dans la campagne pour les élections européennes dès le 22 avril 2014. Ukip créera un vrai émoi dans tout le Royaume-Uni suite à une campagne d'affichage arborant le slogan suivant : "26 millions de personnes en Europe cherchent du travail. Et quels emplois veulent-ils prendre ?"

Le leader du parti, un certain Nigel Farage** a choisi un vieux bastion travailliste pour lancer sa campagne : Sheffield, une ville du nord du Royaume. A noter que Nicolas Dupont-Aignan, président du parti politique Debout la République - engagé également dans la bataille des européennes - entretient des liens étroits avec ce "bad boy" de la classe politique du Royaume-Uni.

**Le portrait de Nigel Farage est à retrouver sur le site du Monde.fr. Enfin, si tu y es abonnée !

Le Premier ministre, David Cameron paraît plutôt content

Le Premier ministre, David Cameron paraît plutôt content

Tag(s) : #Royaume-Uni, #Traité de Rome, #Benefits Tourism, #Union Européenne, #UE, #Welfare State, #Konrad Adenauer
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