MIPS du Jour - Quand un drone attaque un match international

MIPS FM | 09h55 | Au lendemain d'une nouvelle berezina Made in France

Comment mettre le feu aux poudres sur la pelouse sans bouger de sa loge privée ?
Olsi Rama, le frère du Premier ministre albanais Edi Rama, a trouvé un moyen unique de raviver des braises au cours de la rencontre entre la Serbie et l'Albanie.

Un drone arborant un drapeau du pays visiteur a survolé le stade du Partisan Belgrade, site d'accueil de ce deuxième match de qualification pour l'Euro 2016 du groupe I. L'apparition de cet engin volant a attisé des heurts autant sur la pelouse que dans les gradins de l'enceinte de la capitale serbe.

Retour sur un coup de communication politique qui laisse assurément un goût amer aux joueurs avec seulement une mi-temps de jeu dans les jambes.

"41 minutes. Match définitivement arrêté."

21h30. Le site internet de l'Uefa annonce la mauvaise nouvelle. Mr Atkinson, aux commandes du match ce soir-là a tout de suite penser à l'intégrité physique des joueurs. Et ne pouvait faire autrement. Inauguré il y a tout juste 65 ans, le stade du Partizan est prié de se vider de ses tribunes. De ses travées. Que s'est-il passé pour qu'un arbitre central ne prenne une décision aussi radicale ?

Alors que l'Equipe de France A prime se gargarisait de rentrer à Paris avec trois buts laissés dans les bois arméniens, les spectateurs du matchs Serbie-Albanie assistèrent à un événement particulier.

A 21h24, un drôle d'objet volant non identifié de prime abord - autrement dit un OVNI - s'invite dans le ciel de Savski Venak, appartenant à la municipalité de Belgrade. Quelques secondes plus tard, les Serbes découvrent un présent pour le moins sulfureux : un drapeau représentant la "Grande Albanie" - projet controversé de regroupement des peuples albanais d'Albanie, du Kosovo, du Monténégro, de Macédoine, de la Grèce et du sud de la Serbie - se déploie au-dessus du drone, s'aidant en toute quiétude du vent du voisin ennemi. Les réactions ne se font pas attendre. 

Stefan Mitrovic, attaquant du club belge d'Anderlecht et de la sélection serbe ne tarde pas à s'emparer du drapeau illégitme. D'autres joueurs s'en prennent directement à leurs homologues albanais, sans doute orphelins de toute information sur cet acte à caractère politique. Qu'importe : ils représentent une première cible privilégiée pour exprimer une frustration viscérale. Loric Cana défendra tant bien que mal la cause albanaise en se livrant à un véritable lynchage envers un adversaire serbe.

Des heurts éclatèrent dans le même temps au sein des tribunes du Partizan. Malgré l'absence de tout supporter albanais au sein de la tribune allouée habituellement aux visiteurs*, le cordon de sécurité s'est montré incapable de circonscrire l'incident.

Plusieurs dizaines de spectateurs des deux camps en viennent aux mains, histoire de marquer le coup avec des balafres et autres cicatrices en guise de souvenirs indélébiles. À croire que les vidéos transmises par les sites de partage ne suffiraient pas à garder à jamais une trace de ce triste épisode (voir vidéo ci-après).

La joie fut immense du côté de Pristina, capitale du Kosovo. Près de 5000 albanais kosovars présents devant un écran géant installé dans le centre-ville dr la capitale du Kosovo, ont scandé des "Grande Albanie" et autre "victoire" pour se féliciter de l'interruption définitive de la rencontre.

L'épisode le plus attristant se jouera quelques minutes plus tard avec un protagoniste pour le moins innatendu.

Moi, Olsi Rama, amateur de gestes sulfureux

Son nom de famille est connu de tous les albanais. Sa bêtise, moins. Son prénom, pas du tout. Olsi Rama a agit en qualité d'homme albanais et fier de l'être. Il a sans doute oublié un détail : son frère n'est autre que le premier Ministre de son pays. Et les moindres faits et gestes d'un des proches d'une personnalité représentant l'autorité publique prennent des proportions exceptionnelles.

Olsi Rama n'aura même pas le temps de se gargariser de son fait d'arme qu'il sera interpellé mardi soir à Belgrade sous l'accusation d'avoir organisé l'incident a rapporté la télévision d'État serbe (RTS).

Selon la RTS, qui cite le ministère serbe de l'Intérieur, Olsi Rama dirigeait depuis la loge officielle du stade, à l'aide d'une télécommande, un drone auquel était accroché un drapeau albanais et qui a survolé la pelouse.

Le ministre de l'Intérieur albanais, Saimir Tahiri, se fendra dans la soirée d'un message d'excuse à demi-mot. «Le gouvernement serbe assume la responsabilité pour la sécurité, la vie et la santé des footballeurs et de la délégation albanaise» présents dans le stade, admettra-t-il dans un communiqué officiel.

Le président de l'UEFA n'a pas tardé à réagir à cet incident. Tôt dans la matinée, Michel Platini a affirmé que le football - "notre jeu" - ne devait pas être "mélangé avec la politique". Il a également qualifié les gestes d'hier soir d'"intolérables". Invité du 20 heures de TF1 ce soir, Michel Platini a enfoncé le clou en rappelant la dangerosité du survol d'une enceinte sportive par un drone.

"Les incidents de Serbie-Albanie, ce n'est pas seulement honteux imaginez qu'il y ait eu sous le drone une bombe plutôt qu'un drapeau, ça devient dangereux, surtout dans ces pays; là-bas, il y a beaucoup de tension politique" a ajouté l'ancien vainqueur de l'Euro 1984 sous la tunique de l'Equipe de France.

Cet incident ravive les tensions historiques entre les deux ex-voisins du temps de l'URSS, à quelques jours d'une visite officielle du Premier ministre albanais Edi Rama à Belgrade. Une première en près de 70 ans.

MIPS F.M.

*Selon Le Parisien, la Fédération serbe de football (FSS) avait décidé dimanche de faire disputer le match Serbie-Albanie sans la présence de supporteurs visiteurs. L'Albanie et la Serbie entretiennent des relations délicates. Le Kosovo, ex-province serbe peuplée en majorité d'Albanais, a proclamé unilatéralement son indépendance en février 2008.