MIPS FM | 11h45 | Le jour où un brésilo-français a remporté une distinction internationale. Oui, c'est possible... !
"Je suis gaucher depuis toujours. Et ça n'a jamais été facile. A l'Ecole primaire, je finissais souvent seul au fond de la classe car mes camarades se plaignaient que je leur jouais des coudes." Agé de 19 ans, Sylvain fait partie des 15% des Français gauchers. Il représente donc une partie minoritaire de la population sur le territoire qui fut autrefois obligé d'écrire de la main droite. La pratique de l'écriture par la main gauche était jugée contraire aux textes religieux par l'Ecole catholique. Les petits écoliers voyaient leur main gauche attachée dans le dos pour leur forcer à se fondre dans la majorité en devenant de gentils droitiers. Et pour éviter apparemment des engueulades en pleine salle de classe.
A l'occasion de la Journée Mondiale des gauchers, retour sur le parcours du combattant d'un gaucher au quotidien, loin des exploits de Rafael Nadal ou crochets de Lionel Messi.
L'homme le plus puissant du monde est gaucher
Tout juste détenteur d'un baccalauréat scientifique (avec mention !), Sylvain a longtemps traîné sa peine. Il pensait longtemps être "gauche". Une expression qui le victimise sans le blesser. "Les plus grands hommes de l'Histoire moderne sont gauchers. Regardez Charlie Chaplin, Bill Gates et même Barack Obama ! Ils ont quand même réussi leur vie, non ?!" Car oui, le 44e président des Etats-Unis fait partie d'une autre minorité bien visible : la bande des gauchers. Il l'avait d'ailleurs annoncé fièrement en 2009 lors de la signature de son premier décret dans le Bureau ovale. Les journalistes se plaignaient que son bras gauche masquait son geste. "Je suis gaucher, il va falloir vous y faire". Sylvain peut donc se rassurer : l'homme le plus puissant du monde est gaucher, tout comme lui. Mais ce point commun est loin d'être un atout pour ce néo-étudiant en médecine.
Etre gaucher se révèle être un véritable parcours du combattant. La plupart des objets sont conditionnés pour une utilisation de la main droite. Tire-bouchons, distributeurs automatiques, portières de véhicules, paire de ciseaux... entretiennent une discrimination passive envers la bande des 15% de gauchers en France.
Couper un bout de ruban adhésif ou d'un papier de dessin relevait du parcours du combattant pour Sylvain. "A l'époque, toutes les paires de ciseaux étaient faites pour les droitiers. Je devais lutter comme un acharné pour couper ma feuille Canson droit. Quand tout le monde avait terminé le mouvement, j'en étais encore au début de la feuille. Ce désagrément m'a valu d'être "promu" dans les groupes d'élèves jugés en difficulté scolaire."
L'absence de modèle de paire de ciseaux pour les gauchers ou de toute autre objet pédagogique pour un gaucher peut donc conduire dans le système éducatif à l'échec scolaire d'un enfant en bas âge. Et même conduire à des accidents domestiques où les gauchers sont plus exposés que leurs homologues de droite.
Sylvain, 19 ans et une scoliose plus tard
Selon Pierre-Michel Bertrand, historien et auteur du Nouveau dictionnaire des gauchers aux éditions Imago, "le gaucher est en permanence obligé de s'adapter à un monde qui n'est pas fait pour lui". Interrogé par le quotidien Le Monde sur "les dangers de la vie des gauchers", l'historien concède au journaliste qu'il lui arrive encore à 52 ans de "mettre de l'encre de partout si (il) ne peut pas s'installer correctement pour écrire."
Ces petits désagréments du quotidien ne relèvent pas d'un manque de dextérité de la bande des gauchers. Bien au contraire. Nombreux sont les gauchers habiles avec leurs mains et avec leurs pieds. Rafael Nadal, Leonard de Vinci, Lionel Messi... ils ont su (ou savent encore !) chacun dans leur domaine utiliser leur différence avec une habileté et un génie presque inégalé. Mais une réelle barrière est dressée entre le monde du sport et les gauchers. Et ce dès l'Ecole maternelle.
Les enfants sont obligés d'adopter des postures plus originales les unes que les autres pour pouvoir trouver une position confortable pour écrire. Et surtout sans déranger son voisin droitier. Ses positions à risque entraînent dans certains cas la formation d'une scoliose, c'est-à-dire une déformation partielle de la colonne vertébrale entraînant des douleurs persistantes. Facile d'imaginer ensuite que des enfants abandonnent toute pratique sportive.
Toujours selon Pierre-Michel Bertrand, questionné par Le Monde.fr, il serait plus judicieux de placer l'enfant gaucher dans la partie gauche de la salle. Le maître ou la maîtresse serait simplement chargé(e) de lui montrer comment placer sa feuille "dans le prolongement de son poignet". En définitive, l'historien affirme que "pour le gaucher : l'école, c'est la scoliose assurée".
L'inadaptation de certains objets pour le club des 15% peut se révéler être très dangereuse. Toujours dans l'édition Web du Monde.fr du mercredi 13 août 2014, Pierre-Michel Bertrand cite l'outillage électrique comme un ennemi des 15%. "C'est notamment le cas de l'outillage électrique et c'est là que ça devient dangereux", constate l'historien. La sécurité d'une scie sauteuse ou d'une tronçonneuse est systématiquement placée à droite de l'outil. En cas de problème imminent, il s'avère impossible pour l'utilisateur gaucher de se dépatouiller rapidement de son engin qui peut vite se retourner contre lui.
La conduite d'un véhicule, un combat de tous les instants
Habitant à plusieurs kilomètres de sa future université de médecine, Sylvain était obligé d'envisager une obtention du permis de conduire pour se déplacer plus rapidement et en toute autonomie. Après une obtention "les doigts dans le nez" du code de la route, le jeune azuréen s'est frotté aux codes de "bonne conduite". Et au monde cruel de la vie faite pour les droitiers. Une fois de plus.
Levier de vitesse, frein à main ou tout simplement conduite à droite... Sylvain est "presque obligé" d'être "deux fois plus concentré" au volant. La conduite d'un véhicule s'apparente à un plaisir pour certains. Pour Sylvain, conduire sa voiture s'apparente à un combat de tous les instants. "Je dois être deux fois plus vigilant sur la route. Mes gestes sont anticipés. Enfin... le seul véritable inconvénient reste le tirage du frein à main : mon bras droit reste plus faible que le gauche, même si je fais mes gammes en salle de musculation !" Malgré son manque de muscles, le jeune homme a tout de même réussi à obtenir le petit papier rose dès son premier passage de l'examen du permis de conduire.
Pour rendre sa conduite plus agréable au quotidien, Sylvain a une idée plutôt originale : importer le sens de circulation britannique en France ! Pas sûr que cette proposition trouve un écho favorable du côté d'un gouvernement au cahier de textes bien chargé à l'approche d'une rentrée qui s'annonce pour la moins agitée.
MIPS F.M
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